top of page
musique-silence.jpg

Le yoga ne fera pas de toi une meilleure personne


C’est un titre un peu provocateur, je te l’accorde. Mais il cache une vérité à laquelle on adhère toutes et tous ou à laquelle on a adhéré.

Personnellement, j'ai eu la chance de croiser assez tôt dans ma vie d'enseignant de yoga des collègues qui me paraissaient avoir des comportements pour le moins douteux. J'ai donc vite appris (à mes dépends) que l'habit ne fait pas le moine et que s'il suffisait que tout le monde fasse du yoga pour que le monde devienne meilleur, ça se saurait!.


J'ai donc fait le deuil de cette douce illusion et garde les yeux bien ouverts sur ce qu'est notre monde.


Je voulais me servir de cet exemple pour te partager une vérité profonde : le yoga n’a pas pour but de te “rendre meilleur”, au sens où on l’entend souvent — plus calme, plus gentil, plus spirituel, ou plus “zen”.

Parce que le but du yoga n’est pas de devenir une “meilleure personne”, mais une personne plus consciente.

Et ça fait une sacrée différence.


Le malentendu occidental


En Occident, le mot yoga évoque souvent les postures : on travail le corps et le souffle (et encore, pas tout le temps). Rien de mal à cela : l’āsana (आसन) — la posture — est une porte d’entrée précieuse, les pranayam sont l'étape de subtilité supérieure.


Mais réduire le yoga à l’asana, c’est comme croire qu’un arbre se limite à ses feuilles.


La véritable sève du yoga se trouve dans ce qu’on appelle les huit membres (ashta-anga, अष्टाङ्ग), décrits par Patañjali dans les Yoga Sūtra :

1. Yama — les principes éthiques (non-violence, vérité, modération…)

2. Niyama — les disciplines personnelles (pureté, contentement, étude de soi…)

3. Asana — les postures (ça on connait)

4. Pranayama — la maîtrise du souffle (ça aussi, un peu)

5. Pratyahara — le retrait des sens

6. Dharana — la concentration

7. Dhyana — la méditation

8. Samadhi — l’union, l’état de conscience libre


Quand on s’arrête au troisième membre, on passe à côté de l’essence du chemin : la connaissance de soi et le yoga commence vraiment quand on quitte le tapis

Le yoga est un miroir, pas un vernis


Le yoga n’est pas une technique pour devenir parfait ; c’est une voie qui te confronte à ce que tu es vraiment.


Sur le tapis, on rencontre son corps… mais aussi ses résistances, ses jugements, son impatience, ce que nous portons en nous.


Les textes parlent ici des samskara (संस्कार) : les empreintes mentales, émotions refoulées et habitudes inconscientes qui conditionnent nos réactions.


Elles se forment au fil de nos expériences passées et créent des boucles répétitives : la peur, la comparaison, la colère, la fuite, l’envie... Pratiquer le yoga, c’est apprendre à voir ces schémas plutôt qu’à les fuir.

C’est un processus d’observation, pas de perfection.

Le yoga ne fait pas de toi quelqu’un de “pur” ; il t’invite à reconnaître tes zones d’ombre — la paresse (madhya), la jalousie (matsarya), la colère (krodha), l’avidité (lobha).


C’est parfois inconfortable : le yoga met la lumière sur ce qu’on préférait garder dans l’ombre.

Mais c’est là que le travail commence et c’est cette honnêteté envers soi-même qui devient, peu à peu, une lumière.


Quand la quête spirituelle dérape


Le yoga ne protège pas de l’ego, même spirituel.


Plusieurs maîtres charismatiques l’ont tristement montré :

• Bikram Choudhury, fondateur du Bikram Yoga, a été condamné pour harcèlement et agressions sexuelles (BBC, 2020).

• Mooji, enseignant spirituel connu, a fait l’objet d’enquêtes journalistiques sur des dérives sectaires (Be Scofield, 2019).


Ces affaires montrent que la pratique du yoga ne garantit ni sagesse ni vertu. C’est la vigilance intérieure, pas le statut spirituel, qui protège de l’illusion. Le yoga authentique invite à l’humilité : à observer sans cesse ce qui nous anime — même (et surtout) dans notre désir d’évoluer.


Revenir aux fondations : Yama et Niyama

Avant même de parler de postures, la tradition propose deux ensembles de repères : Yama et Niyama.

Ils constituent le socle moral et spirituel du yoga, ce qu’on pourrait appeler son “ancrage dans la vie quotidienne”. Et ce n'est pas pour rien que ces deux étapes sont placées en tout début des "pétales du yoga", ce sont tout simplement les plus fondamentales!


Les Yama – les relations au monde


1. Ahimsa (अहिंसा) – non-violence

Cultiver la bienveillance dans les actes, les paroles et les pensées. Cela inclut la douceur envers soi-même.

2. Satya (सत्य) – vérité

Être authentique, ne pas mentir ni se mentir.

Vivre aligné avec ce qu’on ressent profondément.

3. Asteya (अस्तेय) – ne pas voler

Ne pas prendre ce qui n’est pas offert, matériellement ou symboliquement.

Cela inclut l’attention, le temps, l’énergie.

4. Brahmacharya (ब्रह्मचर्य) – modération

Canaliser son énergie vitale, éviter les excès et les fuites dispersantes.

5. Aparigraha (अपरिग्रह) – non-attachement

Laisser aller la possessivité et le besoin de contrôle.


Les Niyama – les relations à soi-même


1. Saucha (शौच) – pureté

Entretenir la clarté du corps, du cœur et de l’esprit.

2. Santosha (संतोष) – contentement

Apprendre à se satisfaire de ce qui est, sans chercher sans cesse plus.

3. Tapas (तपस्) – ardeur, discipline

La force intérieure qui pousse à persévérer malgré la difficulté.

4. Svādhyāya (स्वाध्याय) – étude de soi et des textes

Observer ses pensées, lire, comprendre, se remettre en question.

5. Īśvarapraṇidhāna (ईश्वरप्रणिधान) – abandon au divin


Reconnaître qu’il existe une intelligence plus vaste que notre volonté personnelle.

Ces dix attitudes sont de véritables outils de transformation.

Les vivre au quotidien, c’est pratiquer le yoga bien au-delà des postures.


Et maintenant, on fait quoi?


Voici quelques pistes simples pour rendre ta pratique plus juste, plus vivante :


Pratiquer avec conscience, pas avec exigence

L’important n’est pas de “réussir” une posture, mais d’être présent à ce qui se passe pendant qu’on la vit.


Observer tes réactions

Plutôt que chercher à “mieux faire”, demande-toi : qu’est-ce qui bouge en moi pendant cette pratique ?

Le yoga ne transforme pas ce que tu caches, il te montre comment t’en libérer.


Méditer, ne serait-ce que quelques minutes

Même cinq minutes d’assise silencieuse après ta séance peuvent ouvrir des espaces de paix que les postures seules n’atteignent pas.


Sois doux avec toi-même

La transformation est un processus lent.

Le yoga n’est pas une quête de perfection, mais un retour vers ce qui est déjà là.


Le yoga ne fera pas de toi une meilleure personne il fera de toi une personne plus vraie. Il ne gomme pas tes ombres ; il t’apprend à les regarder sans peur. Il ne te rend pas “zen” ; il t’aide à comprendre pourquoi tu ne l’es pas. Et c’est là toute sa puissance. Parce qu’en t’acceptant tel que tu es — sans performance, sans façade —,tu découvres quelque chose de bien plus grand que la “meilleure version” de toi-même : ta nature profonde, paisible, lucide, et déjà complète.

Namaste


 
 
 

Commentaires


bottom of page